mercredi 7 mai 2008

Lundi, c’est neurasthénie

Article de Libération du 5 mai 2008
Un article qui nous parle. Du brut de vécu.

Toi aussi tu as du mal à dormir dans la nuit de dimanche à lundi ? Toi aussi tu appréhendes ton début de semaine et la semaine à venir (et le travail en général, note bien) ? Félicite-toi, tu n’es plus seul, tu fais partie des 50 % de salariés français qui souffrent de troubles du sommeil dans la fameuse nuit, selon une récente étude menée sur 24 224 salariés par le groupe Monster. Une enquête sur ce qu’il est convenu d’appeler la «phobie du lundi» qui touche donc 52 % des salariés français qui déclarent souffrir toutes les semaines et 28 % assez fréquemment. Non seulement cette lundiphobie est bien partagée sous nos latitudes (lire ci-dessous), mais elle est qualifiée par le bureau d’études de «fléau mondial». Si si, et tiens-toi bien, la France se situe en deçà de la moyenne mondiale avec ses 61 % de stressés du dimanche soir. Gagnants, les Etats-Unis et l’Angleterre, où 70 % des salariés avouent être frappés par le stress du travail dans la nuit de dimanche, suivis par la Hongrie. En Italie, en Espagne et en Norvège, les lundiphobes tournent autour de 50 %, tandis que les salariés danois ou norvégiens (31 %) semblent les plus sereins. C’est dans ces trois pays-là que l’on trouve le taux le plus élevé de salariés déclarant ne jamais souffrir de troubles du sommeil liés au travail en général, et au lundi en particulier. Bref, un seul mot d’ordre, la lutte contre le stress en entreprise. Ou la suppression du lundi. Mais alors on aura la phobie du mardi.

Florent, 26 ans, le cyclothimique
«Je déteste le lundi. C’est simple, je me réveille mécontent. L’idée de devoir prendre le chemin des obligations m’ennuie. Quand j’arrive sur mon lieu de travail, les mines réjouies de mes collègues m’agacent. A croire qu’ils s’ennuient tout le week-end. Pour les contrer, j’avale trois cafés, soit trois fois plus qu’un mardi, et j’affiche mon plus beau sourire. L’autopersuasion fonctionne puisque dès la mi-journée je reprends goût au travail. En fait, le lundi, c’est juste un mauvais cap à passer.»
Mathieu, 36 ans, le méthodique
«Cet état bizarre commence chez moi le dimanche vers 17 heures, et l’été à la tombée de la nuit. Je compense en me lançant dans un repassage méticuleux de mes chemises pour la semaine, je cire mes chaussures, je les brique. Mon dîner du dimanche est destructuré : je le considère comme ma dernière pause récréative. Je mange n’importe quoi, en vrac, et uniquement des choses que j’aime, en regardant à la télé des trucs qui vident le cerveau tard dans la nuit. Le lundi matin, je me lève tôt pour avoir le temps de prendre un long bain : shampooing, rasage. En fait, ce qui m’est le plus pénible, ce n’est pas tant de sortir du week-end que d’entrer dans la semaine. Quitter une atmosphère pour une autre, c’est ça le plus dur pour moi. Je crois que ça me vient de l’enfance, quand il fallait s’arracher à la famille pour aller prendre l’autocar et partir à la pension.»
Daniel, 49 ans, l’allergique
«Ça m’agace les gens qui disent "c’est dur comme un lundi". Pour moi, c’est dur tous les jours. En ce moment, il y a des gens qui ont le rhume des foins à cause des châtaigniers, des platanes, moi c’est le boulot.»
Anne, 31 ans, la boulimique
«J’ai enfin compris pourquoi je me traîne tous les lundis matins. C’est parce que je veux tellement profiter de la vie pendant mes week-ends. Ça commence par un dîner festif le vendredi (la meilleure soirée de la semaine). Footing au réveil le samedi puis, en général, une expo suivie par le ravitaillement hebdomadaire au supermarché, puis un cinéma, puis un dîner très arrosé ou une soirée dansante. Le dimanche, piscine pour évacuer toutes mes toxines et calories de la veille. Puis long déjeuner. Mais au dessert, je ressens un vague blues qui me rattrape. Je me conditionne toujours pour me coucher tôt le dimanche, mais ça ne marche jamais. Le lundi, je me réveille épuisée, les muscles douloureux. Café et aspirine au petit déj. Toute la journée, je rame : mon corps est lourd, mon cerveau très lent.»
François, 55 ans, l’empathique
«Le lundi matin, je n’ai pas encore quitté le dimanche quand j’arrive au travail. C’est très dur de se mettre dans le bain, surtout quand on manage 400 personnes qui elles-mêmes affichent sur leur gueule l’humeur de leur week-end. Le dimanche soir, je me dis souvent "merde faut retourner au charbon", j’y vais vraiment à reculons, parce qu’il faut gérer ses propres problèmes mais aussi le chagrin et le bonheur du personnel. Tous les lundis, comme toutes les semaines, il faut redynamiser l’équipe.»
Perrine, 28 ans, l’atypique
«Au lycée, j’avais de vraies appréhensions. Il m’arrivait même de sécher le lundi. Le dimanche soir, dans mon canapé, le générique de Zone interdite ou de Capital me rappelait que la récréation était finie. Sans parler de la question fatidique : t’as fait tes devoirs ? Depuis que je travaille, j’ai toutes les raisons de redouter le lundi : mauvaise ambiance, stress, fayotage. Et pourtant, je n’ai aucune angoisse. Je crois même que j’aime les lundis.»

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